Lonely Planet : une histoire étonnante

  • Lonely Planet, Tony Wheeler, Maureen Wheeler

On connaît tous les guides Lonely Planet. Qui n'a jamais utilisé un de ces gros pavés plein de bonnes adresses et de judicieux conseils ? Oui, mais qui connaît ses fondateurs, Tony et Maureen Wheeler ? Ces jeunes hippies des années 1970 sont devenus, au fil des ans, des stars multimillionnaires de l'industrie du tourisme. C'est leur passionnante histoire que je vous propose aujourd'hui.

Premiers pas

L'aventure commence au tout début des années 1970. Maureen, née en Irlande du Nord, s'installe à Londres alors qu'elle a tout juste 20 ans et y rencontre Tony Wheeler. Ce dernier, né en Angleterre, a déjà beaucoup voyagé : Tony a grandi au Pakistan, aux Bahamas et aux U.S.A., avant de revenir en Angleterre poursuivre ses études.
Le couple se marie et choisit, en guise de lune de miel, de parcourir le monde pendant quelques mois. Leur projet est simple : voyager par leurs propres moyens, en toute liberté, pendant un an puis revenir s'installer définitivement en Angleterre. Pour une bouchée de pain, ils achètent un vieux van (une "Morris Mini Minor Traveller") et quittent Londres en direction de l'Australie, via l'Europe et l'Asie. Arrivés en Afghanistan, ils revendent leur véhicule et poursuivent leur chemin en auto-stop. Après plusieurs mois de voyage et la traversée de très nombreux pays, ils arrivent en Australie en décembre 1972. Ce jour-là, ils ont en poche 27 cents et des milliers de souvenirs !
Tony Wheeler, Maureen Wheeler, Lonely Planet

Naissance d'un empire

À l'époque, de nombreuses régions du monde ne font l'objet d'aucun guide touristique. Suite à leur périple, on demande fréquemment aux Wheeler comment ont-ils fait, où ont-ils dormi ou mangé, qu'ont-ils visité... Les Wheeler répondent à ces questions en écrivant, sur la table de leur cuisine, leur premier guide : Across Asia on the Cheap (1973). Une chanson de Joe Cocker leur inspire un nom : Lonely Planet est né ! Ils font des copies, les agrafent et vendent eux-mêmes les fascicules. En trois mois, 8 000 exemplaires sont vendus. Le couple repart en voyage et élabore un second guide qu'ils nomment South East Asia on a Shoestring (1975). Le succès est vite au rendez-vous. Dans les années 1970, nombre de voyageurs partent au bout du monde sans argent mais avec en poche les guides Let's Go des étudiants de Harvard, Hitch-hiker's Guide to Europe (écrit par des Américains en 1971) ou encore le premier Guide du routard (publié en 1973). Lonely Planet lui est le premier à couvrir des pays comme le Népal, l'Inde ou la Birmanie.

Success story

Tony et Maureen décident de lancer un vrai business et installent leurs bureaux et leur sweet home en Australie, à Melbourne. Qui aurait cru que ces deux jeunes hippies allaient construire un empire ? Ils ont créé le produit dont leur époque avait besoin... Au bon moment, au bon endroit ! Lonely Planet est devenu le plus important éditeur indépendant de guides touristiques au monde. Il édite 500 titres en anglais dont près de la moitié sont, depuis 1993, traduits en français. Au total, plus de 100 millions d'exemplaires ont été vendus et cela dans plus de 10 langues. Les guides sur l'Australie, la France, l'Espagne ou l'Inde sont devenus des best sellers mais, d'après les Wheeler, ce sont ceux sur la Mongolie, l'Afghanistan ou l'Iran qui sont "le cœur et l'âme" de leur maison d'édition. Avec le temps, Lonely Planet s'adresse de moins en moins aux routards et est devenu plus grand public. Il est maintenant de bon ton de voyager en sa compagnie, peu importe notre budget.

Influenceurs

Suite à la publication d'un guide Lonely Planet, des milliers de voyageurs vont au même endroit, veulent dormir dans le même hôtel, dîner dans le même restaurant... Des pays vierges de tout tourisme ont vu exploser le nombre de leurs visiteurs. Des commerces ont créé la confusion en changeant de nom pour bénéficier de la renommée made in Lonely Planet d'un concurrent. Mais comment éviter de tels phénomènes ? Si leurs guides ont eu une grande influence sur le tourisme, Tony et Maureen s'en félicitent. Le tourisme participe au développement de pays qui connaissent des difficultés ou des retards. Même si le tourisme apporte des problèmes et des changements irréversibles, pour les Wheeler, il s'équilibre : Bali, par exemple, est envahi par les touristes mais, en échange, la qualité de vie des Balinais s'est améliorée. Leurs guides ont permis de démocratiser le voyage et d'ouvrir les portes de contrées inconnues et fermées. On a d'ailleurs reproché à Lonely Planet de s'être tenu à l'écart de la politique et d'avoir fait des guides sur des régimes dictatoriaux.

La fin d'une époque

Depuis leurs premiers guides, la situation de la presse et de l'édition traditionnelles a changé. En 2007, le journal The Guardian titrait "Journey's end for the guidebook gurus?". Cette année-là, Tony et Maureen Wheeler vendent 75% de leur société à une filiale de la BBC, avec la promesse que l'état d'esprit indépendant et original de Lonely Planet perdure. Quelques années plus tard, la BBC achètent les 25% restants mais doit, en 2013, revendre Lonely Planet à l'américain NC2 Media, spécialiste de l'édition numérique. Lonely Planet, créé dans les années 70 par deux jeunes idéalistes, est aujourd'hui la propriété de Brad Kelley, un milliardaire qui a fait fortune dans le tabac et qui est l'un des plus gros propriétaires fonciers des U.S.A. De façon très surprenante, Brad Kelley a confié les rênes de Lonely Planet à un jeune homme inexpérimenté de 24 ans, Daniel Houghton. Une nouvelle ère s'ouvre...
Tony Wheeler, Maureen Wheeler, Lonely Planet

L'heure de la retraite ?

Les Wheeler ont passé la main mais ils n'ont pas pris leur retraite pour autant. Ils continuent de voyager et consacrent une partie de leur temps à des activités caritatives. Dans les années 1980, ils décident de reverser un pourcentage de leurs bénéfices à des ONG. Puis lors de la vente de Lonely Planet, ils passent à l'étape supérieure en créant la Planet Wheeler Foundation, basée à Melbourne et destinée à promouvoir des actions pour l'éducation et la santé en Afrique de l'est, en Afghanistan et en Asie du sud-est.
De son côté, Tony est infatigable. Il participe à d'autres ONG et a publié en 2007 Dans les pays de l'Axe du mal dans lequel il raconte ses voyages en Irak, Iran, Birmanie, Corée du Nord... C'est l'occasion pour lui de vérifier l'autre version de l'histoire officielle et de parcourir des pays peu visités. Car Tony adore les lieux peu fréquentés, ce qui est paradoxal pour le créateur d'un guide qui attire la foule aux quatre coins du monde ! Aucun pays ne l'effraye ; dans un entretien accordé au journal Le Monde, il dit ne craindre que deux choses : les hôtels minables et les chauffeurs de taxi fous. Pour Tony et Maureen, long is the road !


Pour en savoir plus

-le site de Lonely Planet et le blog de Tony Wheeler.


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*Photos : 1 et 2/Lonely Planet, 3/Christopher Michel (CreativeCommons), 4/H. Grobe (CreativeCommons), 5/Doron (CreativeCommons) et 6/Rico Shen (CreativeCommons).

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